Ce n’est pas un peu ringard ? c’est quand même plus simple de tutoyer les personnes, non ?
Et vous vous étonnez de vivre si peu de respect dans vos interactions sociales ?
Vous vous offusquez que vos consignes soient si peu suivies ?
LA PUISSANCE DU VOUVOIEMENT COMME UNE MARQUE DE RESPECT PROFOND DANS LES INTERCATIONS SOCIALES
Aujourd’hui, sous couvert de favoriser la convivialité, on supprime très vite le vouvoiement, voire même il n’est pas du tout utilisé. GRAVE ERREUR !
Tutoyer une personne signifie normalement qu’on la connaît un tant soit peu, partageant avec elle des liens de filiation ou d’amitié. Nous avons des souvenirs communs, nous avons vécu des événements drôles ou tristes qui ont créé des liens de connivence ou de centres d’intérêts communs. Le tutoiement devient alors une manifestation visible de cette relation privilégiée qui a été bâtie par des circonstances particulières et dans un temps donné.

A défaut, le vouvoiement est une marque de distance et de respect : n’ayant encore rien ou peu partagé avec la personne, je respecte le mystère de sa personnalité non découverte, je reconnais sa dignité d’être humain, même si je ne suis pas encore lié par des liens d’amitié.
Vouvoyer permet de garantir une sphère de protection dans les relations sociales : je ne peux pas dire tout ce qui me passe par la tête, comme je l’entends. J’apprends à choisir mon vocabulaire pour marquer mon respect, le ton que j’emploie, les formules de politesse. L’adage ne dit-il pas « on n’a pas élever les cochons ensemble » ?
Je maintiens une distance qui peut se réduire au gré des rencontres et des événements. Le tutoiement interviendra alors comme le scellé d’une amitié qui se construit et se renforce au fil du temps.
LE VOUVOIEMENT EN HIERARCHIE : UNE DES GARANTIES CONTRE LES DERIVES AUTORITAIRES…
Le vouvoiement est un moyen de reconnaître et de maintenir une certaine hiérarchie ou autorité, favorisant une structure claire dans les relations professionnelles ou institutionnelles. Il devrait être systématique !
Dans ce type de relation, il y a toujours un moment où le supérieur hiérarchique donne des ordres, commande des tâches à exécuter, contrôle le travail, juge des compétences.
Vouvoyer permet de maintenir la distance dans un registre professionnel et de ne pas empiéter sur le registre personnel. Vouvoyer donne une stature et signifie une place dans un organigramme. Tout au long de ma carrière, j’ai été la seule personne à vouvoyer mes chefs d’établissement, mes assistants d’éducation et le personnel de vie scolaire et à exiger la réciprocité. La plupart de mes collègues instituaient le tutoiement pour « simplifier les interactions et distiller la convivialité ». C’est une erreur et j’ai pu le constater à plusieurs reprises ! Être dans un lien hiérarchique suppose que vous n’êtes pas à un niveau égal de responsabilités et de compétences, d’une part, et que vous avez un regard de jugement et de contrôle sur le travail accompli par vos subordonnés, d’autre part !
Ainsi quand un reproche doit être fait sur un travail, il ne s’agit pas d’attaque personnelle mais d’un discernement sur ce qui a été demandé et sur le rendu qui n’a pas été à la hauteur. Dire à un subordonné : »je ne suis pas satisfaite de l’accomplissement de la tâche que je vous ai confiée » n’est pas une attaque personnelle et est bien différente de : « tu n’as pas fait le boulot ! » ou « c’est nul ce que tu as fait ! »
A l’inverse, il est possible de signifier à son supérieur hiérarchique son désaccord sans tomber dans l’insulte et l’irrespect.

A titre d’exemple, j’ai régulièrement entendu des surveillants dire à un collègue « t’es vraiment un boulet », « tu me fais chier »…. Mais jamais un surveillant ne m’a dit « vous me faites chier ou vous êtes un boulet » ! Il m’a déjà été dit : « vous êtes trop exigeante », « je ne comprends pas ce que vous attendez de moi » ou « je ne suis pas convaincu par votre méthode »….
Ce qui est pour moi tout à fait entendable, cela ne remet pas en cause mon autorité et appelle même au dialogue sur ce qui est bien ou mal vécu, bien ou mal compris, dans le respect des convictions et de la place de chacun dans un organigramme.
… OU LES REFUS D’OBTEMPERER
J’ai toujours demandé, au personnel vie scolaire dont j’avais la charge, de se faire vouvoyer par les élèves en se faisant appeler Monsieur ou Madame. Ce fut souvent des batailles d’un trimestre entier tant cela n’est pas du tout intégré dans les mœurs… et pourtant : un assistant d’éducation donne des consignes à faire respecter par les élèves tout au long de la journée. Comment espérer être obéi si celui qui donne des ordres est au même niveau que celui qui doit obéir et ne le veut pas ?
Comment donner de la légitimité aux compétences d’une personne s’il n’y aucun moyen dans le langage pour signifier cette légitimité ? d’autant plus que le personnel de vie scolaire peut être très jeune et avoir seulement 2 à 3 années de plus que les élèves dans les lycées….
LE VOUVOIEMENT COMME OBSTACLE A LA CONVIVIALITE ?
Là encore, mon expérience m’a prouvé que c’est une erreur ! Ce n’est pas le vouvoiement qui est un obstacle à la convivialité mais le manque de considération de la personne, de ce qu’elle est et de ce qu’elle vit. C’est également la distorsion entre ce qui est dit et ce qui fait ! Si vous n’appliquez pas à vous-même les principes que vous pensez imposer aux autres, tant dans vos actes que dans vos paroles, alors vous n’obtiendrez ni respect, ni convivialité.

Le vouvoiement conjugué à l’exemplarité (je dis ce que je fais et je fais ce que je dis) instaure un climat de respect et de confiance qui permet l’élaboration d’une convivialité qui peut faire place à la taquinerie !
Apprenez à vouvoyer pour respecter et vous faire respecter, et vous ferez également d’énormes progrès en conjugaison !! (mais cela est un autre sujet :D)