Faut-il réapprendre à vouvoyer ? Et si c’était la clé du respect ?

L’importance du vouvoiement dans les relations est aujourd’hui largement négligée, alors qu’il constitue un pilier du respect mutuel et de la bonne communication, notamment dans les milieux éducatifs et professionnels.

LE VOUVOIEMENT, UN RESPECT QUI SE PERD

« Le vouvoiement ? C’est dépassé, non ? »
Pas si sûr ! Dans nos écoles, nos bureaux ou nos groupes d’aumônerie, on veut de la convivialité, de la simplicité… alors on tutoie à tout-va. Mais si cette habitude, en apparence moderne, nous faisait en réalité perdre en qualité relationnelle ?

Voici pourquoi réapprendre à vouvoyer pourrait bien transformer vos interactions — et vous aider à mieux vous faire respecter.


Le tutoiement, UNE FAUSSE PROXIMITE

À force de tutoyer sans réfléchir, on oublie que ce geste suppose normalement une certaine intimité.
On tutoie un ami, un proche, quelqu’un avec qui on a partagé des moments, des souvenirs, des rires ou des épreuves. Ce n’est pas anodin.

Introduire directement le tutoiement dans une relation encore neuve, c’est sauter des étapes. Cela gomme une distance naturelle, pourtant nécessaire, surtout dans un cadre professionnel ou éducatif.


Vouvoyer, c’est HONORER LA PERSONNE

Avant de créer un lien, il y a le respect. Le vouvoiement est ce premier pas :
👉 Je ne vous connais pas encore, mais je reconnais votre dignité.
👉 Je vous laisse l’espace d’être qui vous êtes, sans me croire déjà « proche ».

Il reconnaît l’autre comme un être digne, à part entière. Il marque une distance choisie, non par froideur, mais par considération.

Ce cadre linguistique oblige aussi à choisir ses mots. On ne peut pas dire tout et n’importe quoi. Le vouvoiement pousse à soigner le ton, à utiliser les formules de politesse. C’est un excellent entraînement à la communication bienveillante.


Le vouvoiement dans les relations professionnelles : une clé d’autorité

On oublie souvent l’importance du vouvoiement dans les relations éducatives… » En milieu scolaire, éducatif ou professionnel, il y a des rôles et des responsabilités. Le vouvoiement installe cette structure de façon visible.
Il ne s’agit pas de créer de la froideur, mais d’éviter les dérives.

Un chef qui tutoie ses subordonnés mais exige le respect absolu se place dans une ambiguïté dangereuse.

Lorsque je dirigeais une équipe de vie scolaire, je tenais à ce que les élèves vouvoient tous les adultes. C’était parfois difficile à faire accepter, notamment aux surveillants jeunes ou débutants.

Pourtant, sans marque de distinction linguistique, l’autorité s’efface. Et comment obtenir l’obéissance si l’élève se croit sur un pied d’égalité avec celui qui encadre ?

Instaurer le vouvoiement, c’est affirmer un rôle. Cela renforce la légitimité, surtout quand l’écart d’âge est faible. Deux ou trois années d’avance sur un lycéen ne suffisent pas à créer l’autorité si le langage ne le soutient pas.

Personnellement, j’ai toujours tenu à vouvoyer mes équipes… et à être vouvoyée. Cela ne m’a jamais empêchée de créer du lien, mais m’a permis d’être entendue sans avoir à hausser le ton.

A titre d’exemple, j’ai régulièrement entendu des surveillants dire à un collègue « t’es vraiment un boulet », « tu me fais chier »…. Mais jamais un surveillant ne m’a dit « vous me faites chier  ou vous êtes un boulet » ! Il m’a déjà été dit : « vous êtes trop exigeante », « je ne comprends pas ce que vous attendez de moi » ou « je ne suis pas convaincu par votre méthode »….

Ce qui est pour moi tout à fait entendable, cela ne remet pas en cause mon autorité et appelle même au dialogue sur ce qui est bien ou mal vécu, bien ou mal compris,  dans le respect des convictions et de la place de chacun dans un organigramme.


Le vouvoiement rend les conflits plus simples à gérer

Quand une relation est encadrée par le respect, même le désaccord peut être dit sereinement.
Comparez ces deux phrases :

  • Tu n’as pas fait ton boulot, c’est nul !
  • Je ne suis pas satisfaite de la tâche que je vous ai confiée.

La première attaque. La seconde invite à une discussion.
Le vouvoiement canalise les tensions et désamorce les conflits avant qu’ils ne dégénèrent.

Et cela marche dans les deux sens : un collègue peut dire à son supérieur « Je ne comprends pas votre méthode »… tout en maintenant un climat de respect. Le fond reste, la forme apaise.


Le vouvoiement chez les jeunes : respect et légitimité

Faire respecter le vouvoiement à des élèves, ce n’est pas ringard. C’est éducatif.
C’est leur apprendre qu’on ne parle pas à un adulte comme à un copain. C’est leur montrer que l’autorité, ça commence par le langage.

Quand j’étais responsable d’une équipe de vie scolaire, j’ai souvent dû me battre pour que les surveillants soient appelés « Monsieur » ou « Madame ». Mais c’était essentiel. Car sinon, comment un élève peut-il accepter une consigne venant de quelqu’un qu’il tutoie comme un pote ?

Le langage structure la relation. Et sans structure… il n’y a plus ni respect, ni écoute.


Le vouvoiement est-il un frein à la convivialité ?

L’idée reçue est tenace : le vouvoiement serait froid, distant, presque hostile.
Mais dans les faits, ce n’est pas le vouvoiement qui empêche la convivialité. C’est le manque de considération. Ce sont les paroles blessantes, les ordres donnés sans bienveillance, l’hypocrisie ou l’incohérence.

Une relation peut être chaleureuse, humaine, joyeuse… tout en restant dans le « vous ».
Et quand le respect est bien installé, la complicité s’invite naturellement. Avec parfois même un peu de taquinerie en bonus !


Soyez exemplaire : vos actes parleront plus fort que vos mots

Le respect ne s’impose pas, il s’inspire. Si vous vouvoyez, mais que vous manquez de clarté, d’équité ou de cohérence, cela ne suffira pas.

Mais si vous dites ce que vous faites et faites ce que vous dites, alors vos exigences seront comprises. Vous ne demanderez plus le respect, vous l’incarnerez.

C’est d’ailleurs un point essentiel avec les jeunes : ils repèrent très vite le décalage entre les discours et les actes. Avec eux, seule l’exemplarité crée la confiance.


Et en bonus… vos élèves progressent en conjugaison !

Cerise sur le gâteau : utiliser le vouvoiement, c’est aussi une excellente manière de revoir la conjugaison de la deuxième personne du pluriel 😄
Ce n’est pas le cœur du sujet… mais c’est toujours ça de pris !


En conclusion : et si le vouvoiement était un acte de résistance ?

Dans un monde où tout se simplifie à l’extrême, le vouvoiement est un choix courageux Il établit des repères. Il protège les relations. Il rappelle que tout lien humain mérite d’être construit avec soin.

Il dit : « Je te respecte, même si je ne te connais pas encore. Je reconnais ta place. Je garde la mienne. »

Apprendre à vouvoyer, c’est redécouvrir toute l’importance du vouvoiement dans les relations humaines et professionnelles.
Non pas pour être rigide, mais pour recréer du sens, de la clarté, du respect.

Alors, et si on osait remettre le « vous » à l’honneur ?

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